samedi 6 juillet 2013

Les Veilleurs debouts "tradidi quod et accepi" J'ai transmis ce que j'ai reçu



La ville est bruyante. Lorsqu'on passe Boulevard du Palais on croise ces tonnes de touristes qui affluent de la Sainte Chapelle à la Conciergerie et à la tour du Châtelet.
Le soleil s'est enfin installé.
Et dans ce vacarme estival, là, immobiles, deux rangées de veilleurs sont là devant les grilles du Palais de Justice.
Les gens les évitent, les touristes n'y prêtent à peine attention. S'il l'on n'y prête gare, ils pourraient presque passer pour de simples quidams faisant une pause dans la rue.
Ils sont là simplement. Répartis à 3 mètres les uns des autres, selon le shéma des dalles de granit dessinées sur le sol, devant les grilles du Palais.

Leur présence est née du contournement de la "jurisprudence Valls" : le pouvoir n'aime pas les veilleurs assis, le pouvoir combat et arrête les manifestants pacifiques ? Qu'à cela ne tienne, nous serons des manifestants individuels, séparés et qui, du coup ne tombent pas sous le coup des lois sur les manifestations soumises à autorisation. Comme des bonzes tibétains, la force vient de leurs individualités.

Mais il y a plus que de la simple astuce juridique : il y a la beauté.
Moi même pris dans le rythme parisien, ces veilleurs me forcent à faire une pause. Ils sont comme des phares dans la marée humaine. Et je m'arrête moi aussi, et je leur souris, à eux, à cette vieille dame, à ce papa et son fils tout sage, à cette jeune fille qui lit, à cet étudiant, à cet homme en costume cravate comme sortant du travail, eux qui sont comme moi, mais qui sont insolites, et dont une force si paisible se dégage.
Vertus et courage anonymes.
Et ils sont là aussi le soir, la nuit dans un silence encore plus poignant.
En les regardant , je pense aux soldats convertis de Saint Maurice qui refusèrent de combattre :
 "Empereur nous sommes des soldats mais nous devons fidélité au vrai Dieu, Nous ne sommes pas des révoltés. Nous préférons être victimes que bourreaux. Mieux vaut pour nous mourir innocent que vivre coupables" (vie des Saints 1895)

Qui peut comprendre cela aujourd'hui ?
Semble t-il de plus en plus de monde.

Qui aurait cru cependant que ces gestes pacifiques et gratuits renaisse aujourd'hui.
Quel beau témoignage et quelle belle attitude.

Ils réalisent par leur présence ce que la belle maxime rappelle tradidi quod et accepi "J'ai transmis ce que j'ai reçu".

Grâce à eux, j'ai le sentiment que la lumière veille, que , contre vents et marées du temps médiatique et des modes, ils tiennent, comme des falots dans la nuit.