Nous avions oublié la guerre
Les grandes, les lointaines, et plus proche pourtant, celle de Yougoslavie.
Son atrocité, son fond ethnique, religieux, historique, ses victimes et ses hommes de mains.
Nous avions oublié la guerre et ses soldats, les petits et les grands.
C'est pourquoi ce 29 novembre 2017, lorsque j'ai vu surgir aux actualités la figure de Slobodan Praljak se suicidant au Tribunal Pénal International, j'ai moi-même été surpris par cet acte de panache démodé provenant d'une autre époque.
Ce général des forces armées croates de Bosnie s'est suicidé avec une fiole de cyanure au moment où le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye prononçait sa condamnation à 20 ans de prison pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis pendant la guerre en Bosnie (1992-1995).
Plutôt que d'être condamné au déshonneur de 20 ans de prison par des juges , plutôt que d'attendre de croupir et sans doute mourir de vieillesse en prison cet homme de 72 ans a préféré le combat ultime, la mort, le seppuku du samouraï.
Il paraît incompréhensible pour le grand public qui se dit après tout voilà un criminel de guerre en moins.
Pourtant la portée du geste est bien plus grande.
Ca ne s'était pas vu depuis Nuremberg où des dignitaires nazis s'étaient laissés aller au suicide dans l'intimité de leur cellule.
Ca ne s'était pas vu depuis le suicide de Dominique Venner, suicide d'un soldat politique , qui a mis fin publiquement à sa vie à notre Dame de Paris pour dénoncer la fin de la civilisation européenne.
Ces gestes sont ceux de grands soldats.
Slobodan, un soldat oublié selon Robert Redeker
En voyant ces images, je ne peux m'empêcher de penser à ces mots de Robert Redeker dans "le Soldat impossible " :
"
Nous vivons , au vu de la grammaire des civilisations, une évolution étonnante que personne pourtant ne s'avise de penser. Le soldat, qui des siècles durant fut si familier, pour le meilleur et pour le pire, à l'imaginaire collectif européen, en particulier français, s'est éloigné de nous. Toutes les civilisations ont placé le guerrier, devenu dans les sociétés fortement constituées le soldat, au coeur de leur organisation matérielle autant que de leur imaginaire.[...]
Ce souci a disparu de nos contrées. Il a déserté nos âmes. Quand on se souvient du soldat, c'est dans un geste d'effacement de sa réalité.
Le soldat a subi un sort semblable au prêtre catholique et au professeur.[...].
Voici que le soldat a été effacé". (Le soldat impossible https://www.amazon.fr/soldat-impossible-Robert-Redeker/dp/2363710762).
Sur nos écrans il ne reste plus qu'un vieux monsieur barbu qui avale une fiole d'un produit inconnu. La scène pourrait paraître presque ridicule pour un occidental bouffi d'ironie et de conformisme petit bourgeois.
Car oui, le soldat a été oublié, effacé, jusqu'à ses actes et à la portée tragique de son destin.
Slobodan, un soldat si oublié que ça ?
Dans le soldat oublié, Robert Redeker voyait disparaître le soldat de la place publique.
Je me suis demandé si c'était le cas des croates, de leurs gouvernants. L'avaient ils oublié ? Tournés vers Bruxelles et sa démocratie libérale autoritaire et politiquement correcte, ont ils salué la tragédie d'un communiqué de presse de soulagement convenu ?
Et c'est ce que je pensais en écoutant les déclarations du premier ministre croate.
Et quelle grande fût ma surprise lorsque le Premier ministre croate Andrej Plenkovic s'est exprimé pour regretter la disparition d'un homme qui a servi la nation Croate et pour condamner "l'injustice morale "du tribunal (lien vers l'article : https://fr.sputniknews.com/international/201711291034096377-premier-ministre-croate-commente-general-praljak/)
Je ne sais pas ce qu'a commis cet homme ni le poids de ses actes sur la conscience de son peuple.
Je ne sais la valeur de cet homme et ne la défend pas, je vois juste 3 choses :
- un soldat qui n'a pas été oublié de son peuple,
- un acte de courage d'un combattant désespéré,
- un geste de combattant digne de l'Histoire militaire.
Et nous ne pouvons guère plus comprendre cela de nos jours où de 1940, l'Indochine, à la guerre d'Algérie, l'Etat français a trahi ses soldats les poussant à des sacrifices et à des défaites pour des raisons politiques.